jeudi 6 avril 2017

Sur Mon neveu Jeanne de Patrick Bard







Nous étions à Chalon-sur-Saône et F. me proposait de m’offrir un livre. Je n’avais pas le temps de la découverte, de l’éblouissement inattendu et fortuit. Le musée Nicéphore Niepce s’apprêtait à fermer pour la pause de midi.
J’en avais entendu parler et j’anticipais que Mon neveu Jeanne ne tarderait pas à me fasciner.
Roman d’intuition et de liberté, d’initiation aussi, roman du passage à l’âge d’homme ou de femme, c’est selon, alternativement.
Nous regardons Jean-Pierre. Il habite son corps avec les codes qui lui ont été inculqués, il est chauffeur routier, il danse aux bals des bords de Marne, il parle fort, il vise un revolver à la main, il rit, il se marie.
Son oncle choisit de le photographier, lui, plutôt qu’un autre. Pourquoi ? Par intuition dit-il. Il sait qu’il va se passer quelque chose, que le destin de Jean-Pierre est singulier et va rencontrer le sien.
Page 92 se trouve une photographie de famille sur laquelle je peine à distinguer le photographe du photographié. Même incertitude du corps et de la pause. Même cheveux bouclés, même douceur.
Au fil des pages et des années l’identité du neveu Jeanne se dessine. Une identité mouvante comme l’est celle de ceux qui cherchent. Jean-Pierre, Jeanne, Jean-Pierre Jeanne enfin. Un jeune rebelle, une grande femme gauche qui en enlace joyeusement une autre, une femme à la finesse ensevelie sous les hormones, une belle femme, de nouveau un homme. Les seins viennent et s’installent, les poils s’effacent puis réapparaissent, le sexe seul demeure. 
Jeanne rencontre Manue. Elles deviennent copines. Un jour Jeanne raconte à Manue qu’elle est le père de ses enfants. Manue rit : - Oui, comme nous toutes, père et mère tout ensemble !
Elles tombent amoureuses. Manue aime tout de Jeanne, la femme et l’homme.
Jeanne désire Manue d’un désir d’homme, elle devient Jean-Pierre Jeanne, appelle sa société de transports Jeanne, continue le périple, son amour ailé tatoué sur le dos. Jean-Pierre Jeanne aura embrassé une identité masculine, puis féminine, et contre l’avis des médecins, à nouveau masculine.
Tendre découverte que cette énergie qui demeure et circule de pages en pages, de portraits en portraits, au fil des années.


Qu’importe le corps pourvu qu’on ait l’ivresse.



Mon neveu Jeanne, Patrick Bard, éditions Loco, 2015

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